Jeudi 4 décembre 2014 - 18h 30
Maison des Associations
La
Révolution culturelle chinoise
Evelyne Tschirhart |
Résumé
de la conférence
J’ai
travaillé à Pékin de 1972 à début 1975. Durant ce séjour, j’ai pu observer la
réalité du système communiste chinois : système totalitaire
privant de toute liberté la population chinoise et qui l’a soumise à des
souffrances physiques et morales épouvantables.
Mao a toujours fait avancer ses idées par la violence et la
terreur.
La
période « des Cent fleurs » (1957/1958) ou campagne
contre les droitiers, a fait des centaines de milliers de morts et de
déportés dans le goulag chinois. Le « Grand Bond en avant et les
communes populaires » (1958/1961) qui visaient à industrialiser la
Chine à outrance et à vendre toujours plus de produits alimentaires pour
acheter des armes, le Grand Bond en avant a causé une famine qui a fait 38
millions de morts.
Mao,
qui était à l’origine de ces campagnes d’épuration visant en réalité des
membres du Parti qui préconisaient une politique beaucoup plus pragmatique,
lança la Grande révolution culturelle prolétarienne. (1966/1976)
L’échec
du Grand bond en avant a obligé Mao à faire machine arrière et laisser
Liu Shaoxi et Chou Enlai prendre les rênes du pouvoir. Cependant Mao ne
s’avouait pas vaincu et il entreprit de lancer une nouvelle campagne
d’épuration dans laquelle il allait engager la jeunesse.
Selon
lui, il fallait lutter contre les quatre vieilleries : Les vieilles
habitudes – la vieille culture –les vieilles coutumes et les vieilles idées. À
cette fin, il encouragea les élèves et les étudiants à critiquer leurs
professeurs. Les cours furent alors arrêtés.
Les
jeunes s’engouffrèrent dans la brèche et les professeurs furent
critiqués, malmenés, battus, tués, quand ils ne furent pas conduits au suicide.
Les artistes et intellectuels subirent le même sort. Plus rien ne pouvait
arrêter la fureur des jeunes et Mao donna l’ordre de laisser faire. La police
n’intervint pas ni l’armée. Il reçut même les Gardes rouges Place Tien Anmen
pour les féliciter.
Les
Gardes rouges essaimèrent dans toute la Chine pour apporter le désordre et
la parole révolutionnaire dans les provinces.
En
même temps, la femme de Mao : Jiang Qing lançait
un grand mouvement d’épuration dans le domaine de la création, trop bourgeoise
au goût de Mao. Elle imposa les 8 opéras révolutionnaires qui seuls pouvaient
occuper la scène culturelle. Les livres furent détruits, les films interdits,
l’art traditionnel interdit, voire vandalisé par les Gardes Rouges. Mao
détestait la culture traditionnelle et la pensée confucéenne.
Lin
Biao – chef de l’armée avait pour tâche d’activer et de propager le culte de la
personnalité de Mao. Il a fait éditer à des millions d’exemplaires le « Petit
livre rouge », une compilation des pensées de Mao. La Chine entière
fut inondée par ce bréviaire.
Après
la liquidation de l’enseignement, les Gardes rouges furent appelés à retourner
dans les écoles mais les professeurs, dont beaucoup étaient interdits
d’enseignement, d’autres emprisonnés etc, furent envoyés dans les
campagnes pour se faire rééduquer par les paysans pauvres et moyens pauvres.
Les élèves professeurs, quant à eux, étaient partis à la campagne pour se
faire rééduquer aussi. Pendant cinq ans ils eurent le temps d’oublier ce qu’ils
avaient appris.
Mao,
dont le but non avoué était de se débarrasser de Liu Shao shi et de Deng
xiaoping, lança la seconde phase du mouvement qui visait à la critique des « dirigeants
engagés dans la voie capitaliste » et Liu Shao Shi - alors
Président de la Chine, fut arrêté ainsi que Deng. Liu mourut en prison dans des
conditions abominables.
Les Rebelles
révolutionnaires, enrôlés pour cette critique étaient des ouvriers et des
soldats. Ils traquaient ceux qui étaient soupçonnés d’être des droitiers ou des
agents de l’impérialisme. C’était une nouvelle vague d’épuration qui envoyait
les anciens cadres du Parti à la mort ou au laogaï (camps de concentration).
Dans certaines régions, on assista à des luttes fratricides entre groupes
de rebelles, chacun revendiquant la pureté maoïste ; ces luttes entre
rebelles ont conduit à des crimes envers la population prise entre les
factions. On assista également à de nombreux cas de cannibalisme car
manger le cÅ“ur ou le foie des ennemis rendait plus fort…
La
révolution culturelle a semé un désordre total dans toute la Chine et lui a
fait perdre 10 ans ; la production était ralentie et les gens n’osaient
plus s’exprimer de peur de perdre leur travail ou d’être envoyés en camps de
rééducation. Mao ne supportait aucune critique et même Lin Biao, pourtant
prévu comme dauphin, devenait suspect aux yeux du grand Timonier !
Lin conçut le projet de s’enfuir en URSS car il craignait pour sa vie. Son
départ mal préparé lui coûta la vie ainsi qu’à celle de sa famille.
Chou
Enlai qui avait un cancer mourut faute d’une intervention chirurgicale à temps
car Mao avait interdit l’opération. Quelques mois plus tard, Mao mourait en
1976. La Révolution culturelle s’achevait.
Elle
avait fait plusieurs millions de morts. La femme de Mao fut arrêtée et
condamnée à mort. Elle se suicida dans sa cellule.
Ce
qui me frappa le plus, lors de mon séjour en Chine c’était l’absence de liberté
du peuple chinois ; la peur constante d’être condamné pour une parole, une
lecture interdite, un manque de respect à l’égard du Président Mao… Le Parti
avait la main mise sur toutes les sphères de la société : les usines, les
écoles, l’administration, les campagnes et les paysans. La presse était
bâillonnée et ne faisait que reprendre en chœur les discours officiels.
L’étranger était présenté comme l’ennemi. On méprisait les pays occidentaux et
les EU comme étant les fauteurs de trouble partout dans le monde. Du reste, la
population ne connaissait rien à l’occident puisque aucun journal, aucune
revue, aucune littérature n’était accessible au commun des mortels chinois.
Un
journaliste chinois : Yang Jisheng qui a fait une enquête sur la grande
famine (1958/61) – enquête qui n’a toujours pas été publiée en Chine alors
qu’elle a paru à l’étranger en 2008, résume bien ce qu’est le système
totalitaire :
« Dans
le système impérial, les gens ne pouvaient pas s’opposer à l’Empereur. Ils
subissaient mais ils avaient le droit de se taire. Tandis que sous le
communisme, on n’a pas le droit de se taire…Le système totalitaire est le plus
arriéré, le plus sauvage, le plus inhumain qui soit au monde. »
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Essais
Simon
Leys
- « Les habits neufs du Président Mao » - (Champ libre)
- « Images brisées » - (Robert Laffont 1976)
·
« Ombres chinoises – (10/18)
·
« La forêt en feu » – Essais sur la culture et la
politique chinoises. (Hermann)
Lucien Bodard « Le chien de Mao » –
(Livre de poche, Grasset)
Jean-Jacques
Michel/Huang He « Avoir
20 ans en Chine à la campagne » (Le Seuil 1978)
Jean
Pasqualini « Prisonnier de Mao-Sept ans dans un camp de
travail en Chine » (Gallimard
1973)
Jacques/Claudie
Broyelle E.Tschirhart « Deuxième
Retour de Chine » (Le Seuil 1978)
Cheng Ming «Les nuages noirs s'amoncellent »
(Zulma 2003)
Hary Wu
·
« Laogaï , le goulag chinois » (1999 -éditions Dagorno)
·
« Vents amers » – (Bleu de Chine 1996)
·
« Retour au Laogaï » – (Belfond 1998)
François Cheng « Le dit de Tianyi » (Albin
Michel 1998)
Zheng Yi « Stèles rouges – du
totalitarisme au cannibalisme » (Bleu de Chine 1999)
Daï Hsiao- AI « Mémoires du garde rouge »
(Albin Michel 1971)
Li Yizhe « Chinois si vous saviez »
-(Christian Bourgois éditeur 1974)
Jung Chang « Les cygnes sauvages » Seule
dans l'enfer de la révolution culturelle - (Pocket Plon 1992)
Yang Jisheng « Stèles – La grande famine en
Chine »1958-1961. (Le Seuil 2008)
Films DVD
Zang Yimou « Vivre »
Daï Si Jie « Chine ma douleur » -
Zang Yimou « Le sorgo rouge »
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