lundi 10 novembre 2014

CONFERENCE LA REVOLUTION CULTURELLE CHINOISE

Jeudi 4 décembre 2014 - 18h 30
Maison des Associations
La Révolution culturelle chinoise
Evelyne Tschirhart
Résumé de la conférence
J’ai travaillé à Pékin de 1972 à début 1975. Durant ce séjour, j’ai pu observer la  réalité du système  communiste chinois : système totalitaire privant de toute liberté la population chinoise et qui l’a soumise à des souffrances physiques et morales épouvantables.
Mao a toujours fait avancer ses idées par la violence et la terreur.
La période « des Cent fleurs » (1957/1958)  ou campagne contre les droitiers, a fait des  centaines de milliers de morts et de déportés dans le goulag chinois. Le « Grand Bond en avant et les communes populaires » (1958/1961) qui visaient à industrialiser la Chine  à outrance et à vendre toujours plus de produits alimentaires pour acheter des armes, le Grand Bond en avant a causé une famine qui a fait 38 millions de morts.
Mao, qui était à l’origine de ces campagnes d’épuration visant en réalité des membres du Parti qui préconisaient une politique beaucoup plus pragmatique, lança la  Grande révolution culturelle prolétarienne. (1966/1976)
 L’échec du Grand bond en avant a obligé Mao à faire machine arrière et laisser  Liu Shaoxi et Chou Enlai prendre les rênes du pouvoir. Cependant Mao ne s’avouait pas vaincu et il entreprit de lancer une nouvelle campagne d’épuration dans laquelle il allait engager la jeunesse.
Selon lui, il fallait lutter contre les quatre vieilleries : Les vieilles habitudes – la vieille culture –les vieilles coutumes et les vieilles idées. À cette fin, il  encouragea les élèves et les étudiants à critiquer leurs professeurs. Les cours furent alors arrêtés.
Les jeunes  s’engouffrèrent dans la brèche et les professeurs furent critiqués, malmenés, battus, tués, quand ils ne furent pas conduits au suicide. Les artistes et intellectuels subirent le même sort. Plus rien ne pouvait arrêter la fureur des jeunes et Mao donna l’ordre de laisser faire. La police n’intervint pas ni l’armée. Il reçut même les Gardes rouges Place Tien Anmen pour les féliciter.
Les Gardes rouges essaimèrent dans toute la Chine pour apporter le désordre et  la parole révolutionnaire dans les provinces.
En même temps, la femme de Mao : Jiang Qing  lançait un grand mouvement d’épuration dans le domaine de la création, trop bourgeoise au goût de Mao. Elle imposa les 8 opéras révolutionnaires qui seuls pouvaient occuper la scène culturelle. Les livres furent détruits, les films interdits, l’art traditionnel interdit, voire vandalisé par les Gardes Rouges. Mao détestait la culture traditionnelle et la pensée confucéenne.
Lin Biao – chef de l’armée avait pour tâche d’activer et de propager le culte de la personnalité de Mao. Il a  fait éditer à des millions d’exemplaires le « Petit livre rouge », une compilation des pensées de Mao. La Chine entière fut inondée par ce bréviaire.
Après la liquidation de l’enseignement, les Gardes rouges furent appelés à retourner dans les écoles mais les professeurs, dont beaucoup étaient interdits d’enseignement, d’autres emprisonnés etc, furent  envoyés dans les campagnes pour se faire rééduquer par les paysans pauvres et moyens pauvres. Les  élèves professeurs, quant à eux, étaient partis à la campagne pour se faire rééduquer aussi. Pendant cinq ans ils eurent le temps d’oublier ce qu’ils avaient appris.
Mao, dont le but non avoué était de se débarrasser de Liu Shao shi et de Deng xiaoping, lança la seconde phase du mouvement qui visait à la critique des « dirigeants engagés dans la voie capitaliste » et Liu Shao Shi  - alors Président de la Chine, fut arrêté ainsi que Deng. Liu mourut en prison dans des conditions abominables.
Les Rebelles révolutionnaires, enrôlés pour cette critique étaient des ouvriers et des soldats. Ils traquaient ceux qui étaient soupçonnés d’être des droitiers ou des agents de l’impérialisme. C’était une nouvelle vague d’épuration qui envoyait les anciens cadres du Parti à la mort ou au laogaï (camps de concentration). Dans  certaines régions, on assista à des luttes fratricides entre groupes de rebelles, chacun revendiquant la pureté maoïste ; ces luttes entre rebelles ont conduit  à des crimes envers la population prise entre les factions. On assista  également à de nombreux cas de cannibalisme car manger le cœur ou le foie des ennemis  rendait plus fort…  
La révolution culturelle a semé un désordre total dans toute la Chine et lui a fait perdre 10 ans ; la production était ralentie et les gens n’osaient plus s’exprimer de peur de perdre leur travail ou d’être envoyés en camps de rééducation. Mao ne supportait aucune critique et même Lin Biao, pourtant  prévu comme dauphin, devenait suspect aux yeux du grand Timonier ! Lin conçut le projet de s’enfuir en URSS car il craignait pour sa vie. Son départ  mal préparé lui coûta la vie ainsi qu’à celle de sa famille.
Chou Enlai qui avait un cancer mourut faute d’une intervention chirurgicale à temps car Mao avait interdit l’opération. Quelques mois plus tard, Mao mourait en 1976. La Révolution culturelle s’achevait.
 Elle avait fait plusieurs millions de morts. La femme de Mao fut arrêtée et condamnée à mort. Elle se suicida dans sa cellule.
Ce qui me frappa le plus, lors de mon séjour en Chine c’était l’absence de liberté du peuple chinois ; la peur constante d’être condamné pour une parole, une lecture interdite, un manque de respect à l’égard du Président Mao… Le Parti avait la main mise sur toutes les sphères de la société : les usines, les écoles, l’administration, les campagnes et les paysans. La presse était bâillonnée et ne faisait que reprendre en chœur les discours officiels. L’étranger était présenté comme l’ennemi. On méprisait les pays occidentaux et les EU comme étant les fauteurs de trouble partout dans le monde. Du reste, la population ne connaissait rien à l’occident puisque aucun  journal, aucune revue, aucune littérature n’était accessible au commun des mortels chinois.
Un journaliste chinois : Yang Jisheng qui a fait une enquête sur la grande famine (1958/61) – enquête qui n’a toujours pas été publiée en Chine alors qu’elle a paru à l’étranger en 2008, résume bien ce qu’est le système totalitaire :
« Dans le système impérial, les gens ne pouvaient pas s’opposer à l’Empereur. Ils subissaient mais ils avaient le droit de se taire. Tandis que sous le communisme, on n’a pas le droit de se taire…Le système totalitaire est le plus arriéré, le plus sauvage, le plus inhumain qui soit au monde. »

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Quelques livres pour aller plus loin... (Liste non exhaustive)

Essais
 Simon Leys 
  • « Les habits neufs du Président Mao »  - (Champ libre)
  • « Images brisées »   -    (Robert Laffont 1976)
·         « Ombres chinoises – (10/18)
·         « La forêt en feu » – Essais sur la culture et la politique chinoises. (Hermann)
 
Lucien Bodard  « Le chien de Mao » – (Livre de poche, Grasset)
   
Jean-Jacques Michel/Huang He « Avoir 20 ans en Chine à la campagne »  (Le Seuil 1978)

 Jean Pasqualini  « Prisonnier de Mao-Sept ans dans un camp de travail en Chine »  (Gallimard 1973)

Jacques/Claudie Broyelle E.Tschirhart « Deuxième Retour de Chine »  (Le Seuil 1978)

Cheng Ming «Les nuages noirs s'amoncellent » (Zulma 2003)

Hary Wu 
·         « Laogaï , le goulag chinois » (1999 -éditions Dagorno)
·         « Vents amers » – (Bleu de Chine 1996)
·         « Retour au Laogaï » – (Belfond 1998)

François Cheng « Le dit de Tianyi » (Albin Michel 1998)

Zheng Yi « Stèles rouges – du totalitarisme au cannibalisme » (Bleu de Chine 1999)

Daï Hsiao- AI « Mémoires du garde rouge » (Albin Michel 1971)

Li Yizhe « Chinois si vous saviez » -(Christian Bourgois éditeur 1974)

Jung Chang « Les cygnes sauvages » Seule dans l'enfer de la révolution culturelle - (Pocket Plon 1992)

Yang Jisheng « Stèles – La grande famine en Chine »1958-1961. (Le Seuil 2008)


Films DVD

Zang Yimou « Vivre »
Daï Si Jie  « Chine ma douleur » -  
Zang Yimou « Le sorgo rouge »



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